La piadina romagnola, le wrap à l’italienne

La piadina romagnola sert de base à de délicieux wraps à la garniture gourmande. Sa préparation simple et rapide la met à la portée de tous les apprentis cuisiniers.


La piadina est une spécialité de Romagne, une région du nord de l’Italie. C’est même, pour reprendre les propos de Giovanni Pascoli, « le pain, voire la nourriture nationale des Romagnols ».

C’est un pain azyme, avec une pâte sans levure boulangère, prêt quasi immédiatement pour la cuisson, qui peut être consommé chaud, tiède, froid, en fonction de la saison et de la garniture.

C’est l’équivalent d’autres pains plats que l’on trouve dans d’autres régions d’Italie, comme la farinata de Ligure ou la torta al testo ombrienne, et dans d’autres cultures, comme la tortilla mexicaine (à base de farine de maïs), le chapati indien, la taguella des Touaregs ou le lavash du Moyen-​Orient.

La piadina est servie à la place du pain, chez l’habitant ou même dans des restaurants en Romagne, ou en accompagnement sous forme de wrap.

Et on trouve même en France des piadineria, des restaurants qui ont fait de la piadina leur produit phare, à Lyon, à Paris ou à Marseille par exemple.

Mais avant de découvrir la recette, intéressons-​nous à l’histoire de ce mets qui a su traverser les siècles, nourrir des populations entières avant d’être considéré – à juste titre – comme un accompagnement raffiné.

Brève histoire de la piadina romagnola

La piadina dans l’antiquité

Si l’on trouve des références assez anciennes à la piadina, ce n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui et dont je vous livre la recette,

L’histoire de cette galette remonte aux Étrusques, qui en préparaient déjà une version rudimentaire vers 1200 avant notre ère, mais c’était plus une bouillie de céréales semblable au puls des romains, qui évoluera pour donner la piadina. Virgile, poète romain des Iers siècles avant et de notre ère, décrit dans le septième livre de l’Énéide l’« exiguam orbem », un disque mince grillé puis divisé en grands carrés. 

Du Moyen Âge au début du XXe siècle

Au Moyen Âge, elle était souvent faite de céréales non taxées telles que l’épeautre, pour échapper aux quotas de blé et aux taxes sur le pain à verser aux propriétaires terriens, ou comme pain de substitution entre deux utilisations du four banal.

Tout ce que nous savons, c’est que longtemps, ce fut à la fois le pain des pauvres, fait de mauvaise farine, de châtaignes, de pois carrés voire de son, de glands ou de sciure de bois en période de famine, et un accompagnement délicat à la table des classes aisées les jours de fête.

Au XIVe siècle par exemple, lors de l’épidémie de peste noire qui ravagea l’Europe de 1347 à 1353, elle était faite de légumineuses séchées et de glands. De ce qu’on trouvait en fait.

La première mention écrite date elle aussi du XIVe siècle, de 1371 plus exactement, dans le traité Descriptio Romandiolae du cardinal légat Anglico de Grimoard : « Elle est faite avec de la farine de blé trempée dans de l’eau et assaisonnée de sel. Elle peut aussi être mélangée avec du lait et assaisonnée d’un peu de saindoux. » La ville de Modigliana, dans la province de Forlì, devait payer à la Chambre apostolique deux piade. Et la piada (au pluriel : piade), c’est l’un des noms de la piadina.

En 1622, le prêtre /​chanoine Giacomo Antonio Pedroni note que pour cause de famine, beaucoup de gens ne pouvaient manger que des piade faites de sarments de vigne et de fèves, et jusque dans les années 1950, on trouve des rapports sanitaires faisant état de piade de qualité nutritionnelle médiocre.

Mais entre temps, au début du XIXe siècle, la piadina redevient populaire grâce à la farine de maïs, moins onéreuse que la farine de blé à laquelle elle était mélangée. Et à la fin du XIXe, on la trouve dans toutes les maisons de Romagne, où les jeunes filles apprennent à la préparer depuis l’enfance.

La piadina aujourd’hui

C’est de fait dans la deuxième moitié du XXe siècle que la recette de la piadina telle que nous la connaissons et que nous l’apprécions aujourd’hui s’est répandue en Romagne, quand les marchands de rue la vendirent à bas prix en faisant une star de la street-​food locale, au même titre que la sfincione palermitaine. À tel point que la piadina n’est quasiment plus préparée à la maison, on l’achète fraîche ou au supermarché, fabriquée de manière industrielle, en respectant un cahier de charges strict depuis qu’elle a obtenu un IGP (Indication Géographique Protégée).

Le testo, pour cuire la piadina romagnole

De rares sites en proposent une version moderne, sous forme de poêle antiadhésive, compatible avec l’induction pour certaines, mais ce sont des sites italiens ou suisses – et quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de la plaque traditionnelle.

Teglia en terre cuite
Teglia pour piadina

Traditionnellement, la piadina est cuite sur une plaque de terre cuite appelée testo, teglia ou teggia selon le dialecte italien. La terre cuite emmagasine la chaleur et la restitue de façon uniforme sur toute la surface, mais cet ustensile n’est pas évident à trouver en dehors de sa région d’origine.

J’en ai trouvé une sur Amazon, mais les stocks varient… on la trouve également sur des sites spécialisés italiens, mais le prix avec frais de port est prohibitif.

À défaut, une poêle à fond épais, une crêpière en fonte ou une pierre à pizza (sur un barbecue ou un gril) conviendront aussi.

J’ai tenté dans une crêpière en fonte d’aluminium assez lourde et à fond épais, au four à pizza avec sole en cordiérite, sur une plancha avec une pierre de lave de l’Etna de 2cm d’épaisseur pour remplacer la plaque de fonte émaillée… mes piadine sont parfaites à chaque fois, à condition de garder la surface de cuisson à environ 270 /​280°C.

Les variantes

Les ingrédients

Il n’y a pas une piadina unique, on retrouve bien sûr les ingrédients de base (farine, sel, eau) mais on note quelques variations :

  • la pâte peut être faite avec du saindoux (de la graisse de porc) – c’est d’ailleurs l’ingrédient historique – ou avec de l’huile d’olive
  • On peut ajouter du levain ou du bicarbonate… ou s’en passer, en fonction de la variante choisie. Mais pas de levure chimique.

piadina romagnola et piadina romagnola alla riminese

Les deux bénéficient de l’IGP, mais de l’une à l’autre on trouve quelques différences :

  • On ne met pas de bicarbonate ni de levain dans la piadina romagnola alla riminese : eau, farine et saindoux (ou huile d’olive), sel éventuellement, et c’est tout.
  • La pâte est étalée en disques d’un demi à un centimètre pour la piadina romagnola, d’une épaisseur inférieure à 3 millimètres pour la piadina romagnola alla riminese.

Cassone et crescione

La cassone est à la piadina ce que la calzone est à la pizza : une piadina fine et farcie, aux bords scellés avant cuisson. La crescione est une cassone farcie de pissenlit, d’épinards, de cresson, de coquelicot ou de laiteron maraîcher et d’ail finement hachés ou bouillis, d’huile, de sel et de poivre.

Piadizza ou piadipizza

C’est une évolution a priori assez récente de la piadina, utilisée comme base pour une pizza : une fois cuite, la galette est agrémentée comme une pizza, avec une base de sauce tomate ou de crème fraîche, et garnie comme peut l’être une pizza, puis passée au four ou cuite sur plaque avec une cloche de cuisson.

Piadotto

C’est traditionnellement la piadina du pauvre, à base de farine de maïs.

Voila pour la petite histoire, et maintenant, nous allons préparer nos propres piadine…


6

facile

bon marché

  • 10mn
  • 1h
  • 10mn

Ingrédients

Garniture

Étapes

    Préparation

    Si vous utilisez le saindoux, sortez-le du réfrigérateur une heure avant de préparer votre pâte.

    La pâte

    Mettre la farine, le sel, le bicarbonate, l'huile ou le saindoux et l'eau dans un bol à mélanger. Pétrir jusqu'à incorporation totale des ingrédients.

    Pour la piadina romagnola alla riminese, n'utilisez ni levain, ni bicarbonate. Farine, eau, sel, huile ou saindoux et basta.

    Laissez reposer de 30 minutes à une heure à température ambiante. Vous pouvez aussi mettre au réfrigérateur pour utiliser plus tard.

    Découpe et cuisson

    Prendre la pâte, la pétrir rapidement et la découper en pâtons de 100 grammes environ.

    Mettre une crêpière ou une poêle à fond plat à chauffer (température idéale : de 250 à 270°C).

    Étaler au rouleau jusqu'à obtenir une base de 1 à 2 millimètres d'épaisseur.

    Posez sur la poêle chaude, tournez rapidement et laissez cuire à feu vif 3 à 4 minutes sur chaque face. Si la piadina gonfle ou fait des bulles, percez avec une fourchette ou à la spatule. Les deux faces doivent être dorées et tachetées façon léopard.


Notes, conseils & variantes

*Pour la piadina romagnola et la piadina romagnola alla riminese, vous pouvez remplacer le bicarbonate par une petite quantité de levain (de 40 à 60 grammes). Par contre c'est soit levain, soit bicardonate, pas les deux.
Pour une piadina sans gluten, remplacez la farine de blé pour moitié par de la farine de sarrasin, pour moitié par de la farine de maïs ou de la fécule de pommes de terre, ou tout simplement par de la farine de pois chiche ou de la farine de riz.
Si vous réservez les piadine pour une utilisation ultérieure, enveloppez-les dans un torchon en coton ou en lin, rincé à l'eau claire sans adoucissant.
Innovez côté garniture : j'ai tenté truite et saumon fumés, crème fraîche, cresson et un filet de citron avec des piadine à l'huile d'olive (de petits pâtons de 70 grammes pour des piadine de 20 cm de diamètre), c'était excellent. En version végane (à l'huile d'olive donc) avec une poêlée de tomates, courgettes et poivrons… fraîche et délicieuse. Roquette, pancetta et bûche de chèvre, un régal. Garnie de fines lamelles de bœuf ou d'agneau mariné façon kebab, avec quelques tranches de tomates et de laitue… un délice. À vous de trouver votre garniture idéale.
Pourquoi ne pas tenter la piadina façon galette bretonne ? Une piadina très fine, un fond de crème fraîche, quelques tranches de pancetta et un œuf sur une moitié… on replie en fin de cuisson et on sert agrémenté de quelques feuilles de salade ou de quelques tranches de tomate - une idée parmi tant d'autres pour un brunch estival.
En Italie, la piadina se consomme aussi en dessert, au chocolat, au miel, ou aux figues caramélisées. Idée gourmande : une piadina romagnola alla riminese avec de la pâte à tartiner, quelques tranches de pommes caramélisées, des amandes effilées grillées ou des brisures de noisettes, un soupçon de chantilly, une boule de glace vanille et un filet de caramel liquide… mais pour la piadina sucrée, divisez la quantité de sel par 2 et remplacez l'huile d'olive par une huile neutre en goût (tournesol, arachide…) ou de l'huile de sésame qui apportera une petite note de noisette grillée à votre galette.

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