La Bialetti – la macchinetta made in Italy

Savez-vous ce qu'est une macchinetta ? Non ? Pourtant, associée au nom de Bialetti, je suis certain que vous avez votre petite idée.


Cet article prend 14 minutes à lire et comporte 3255 mots.

Une macchinetta… c’est quoi au juste ?

Si macchinetta se traduit littéralement par petite machine, en Italie, quand on parle de macchinetta, on parle de la cafetière moka, que l’on doit à Alfonso Bialetti.

Ce inventeur de génie a révolutionné la préparation du café dans les cuisines d’Italie et du monde entier. Il a offert aux Italiens un moyen plus pratique et plus efficace de préparer le café, tout en donnant à la boisson la plus populaire de la Botte une saveur plus riche. et un goût plus intense, complètement différent de celui obtenu avec une cafetière napolitaine.

Et si on l’appelle effectivement macchinetta en Italie, ou même la Bialetti, son nom officiel est la Bialetti Moka Express. On l’appelle aussi cafetière italienne ou cafetière à moka, mais avouez que ces nom génériques sont bien moins évocateurs. D’autant que Bialetti n’est plus, depuis longtemps, le seul à fabriquer et à vendre ce type de cafetière.

On en trouve chez Ariete, Bodum, Cristel, sans parler des noname. Mais nous y reviendrons plus tard, attardons-​nous plutôt sur…

Les avantages et inconvénients de la macchinetta

La Moka Express est rustique, économique, facile à utiliser et à entretenir. Son prix, à l’achat, n’est pas très élevé, de l’ordre de quelques dizaines d’euros à peine. Vous pouvez utiliser une cuisinière à gaz, électrique, vitrocéramique ou même à induction (directement pour certains modèles, avec un adaptateur pour tous les autres) pour préparer votre café.

macchinetta sur une plaque à gaz
macchinetta sur une plaque à gaz

Le café obtenu avec cette cafetière est corsé et savoureux, assez caféiné (mais servi en tasse, la dose de caféine reste raisonnable malgré tout).

Et, accessoirement, elle peut même servir de décoration pour votre intérieur.

Bien sûr, il y a aussi quelques contraintes, qui n’en sont pas vraiment : ce n’est pas une machine à dosettes, il y a forcément une courbe d’apprentissage, mais après quelques cafés, vous trouverez facilement les bons dosages.

De même, le café n’est pas délivré aussi rapidement qu’avec les machines à dosettes, mais attendre cinq minutes pour pouvoir déguster un bon café, ce n’est pas non plus rédhibitoire.

Accessoirement, il est nécessaire d’attendre qu’elle refroidisse avant de pouvoir refaire du café.

Et le défaut majeur de cette cafetière, c’est qu’elle n’est « pas assez chère, mon fils » – pour reprendre une campagne mythique.

Maintenant que nous avons vu ce que vaut la Bialetti et avant de nous intéresser à la préparation du café, revenons sur…

L’histoire de la Bialetti Moka Express

L’idée à l’origine de la cafetière à moka

Alfonso Bialetti n’a pas à proprement parler inventé le système qui permet l’extraction du café avec une cafetière à moka, il l’a par contre adapté avec brio au café : après avoir vu sa femme laver le linge dans une lessiveuse (l’ancêtre ne nos machines à laver), il a pensé que le système qui faisait remonter l’eau chaude dans la lessiveuse, pour arroser le linge, pouvait être utilisé dans une cafetière pour faire remonter l’eau et la faire passer par le café.

Mais ce n’était encore qu’une idée…

Lessiveuse
De la lessiveuse…
Bialetti Moka Express
… à la Bialetti Moka Express

… et de l’idée à la réalisation, il y a parfois un monde. Dans le cas qui nous intéresse, comme vous pouvez le voir avec les deux photos ci-​dessus, de la lessiveuse à la Bialetti, s’il y a effectivement une vague ressemblance, on est loin de la copie conforme.

Le principe de fonctionnement de la cafetière italienne, c’est un percolateur avec une pression de plus ou moins 1,5 bar. L’eau sous pression remonte à travers le filtre et retombe dans la verseuse.

1933, l’année de la création

Alfonso Bialetti met donc au point sa cafetière, lui donne une forme octogonale, et, vu qu’il est propriétaire d’un atelier de fabrication de produits en aluminium – Alfonso Bialetti & C. Fonderia in Conchiglia – à Crusinallo, dans le Piémont, il utilise ce métal pour fabriquer sa cafetière.

Deux révolutions en une : tout d’abord, l’aluminium n’est pas, en 1933, un matériau « domestique » – c’est donc une première. Ensuite, la simplicité d’utilisation de la Bialetti va lui permettre de conquérir le monde – même si dans les premières années, elle n’est vendue que dans son Piémont natal (il en vend 70 000 en 6 ans, ce qui n’est pas si mal, somme toute).

Pour la petite histoire, c’est à nouveau l’épouse d’Alfonso qui a inspiré la forme de la Moka Express : la tête, les épaules larges, la taille étroite, le bras sur la hanche et une jupe plissée qui est rendue avec la forme octogonale… indissociable de la Moka Express.

Et c’est à la ville de Mokha, au Yémen, qui a longtemps détenu le monopole du commerce du café, qu’elle doit son nom.

Petit à petit, la macchinetta va remplacer les autres cafetières, jusqu’à la cafetière napolitaine qui pourtant semblait indétrônable.

1946, l’année de Renato Bialetti

Renato, vous l’aurez deviné, est le fils d’Alfonso. Après la guerre, qui a mis l’entreprise en difficulté (le café et l’aluminium ont tous deux augmenté), il décide de ne garder qu’un seul produit : la Moka Express. Il se lance dans une grande campagne marketing et en 1953, il dote l’entreprise d’une mascotte, il omino con i baffi (l’homme à la moustache) désormais associé à la marque et encore aujourd’hui présent sur toutes les cafetières Bialetti. Le personnage, conçu par le dessinateur Paul Campani, est inspiré de Renato Bialetti lui-​même.

il omino con i baffi
il omino con i baffi

Les ventes s’envolent, passent de quelques dizaines de milliers à environ 4 millions chaque année – avec un total cumulé à ce jour qui dépasse les 300 millions de cafetières.

1986, l’après Renato Bialetti

Cette année-​là, Renato Bialetti prend sa retraite et cède ses parts à Faema, qui, quelques années plus tard, les revend à Rondine Italia. Alfonso Bialetti & C. fusionne alors avec Rondine Italia pour et devient Bialetti Industries en 1998.

Voilà pour l’histoire de cette cafetière mythique.

Connaître l’histoire, c’est toujours intéressant, mais ça ne remplace pas un bon café. Et justement, nous allons voir comment…

Préparer un café avec la Bialetti Moka Express

On entre enfin dans le vif du sujet : la préparation du café.

C’est le moment de rappeler la publicité de la Bialetti, dans les années 1950 : Eh sì sì sì… sembra facile (fare un buon caffè)! que l’on peut traduire par Ah oui oui oui… ça parait facile (faire un bon café) !

Mais pour aussi simple que ce soit, pour faire un bon café avec la Moka Express, il faut tout d’abord… prendre son temps. Le temps de préparation, sans être long, est de l’ordre des cinq minutes. Oubliez le « je mets une dosette, j’appuie sur le bouton et c’est prêt ».

Il faut aussi une mouture fine ; moins que pour un espresso, mais plus que pour une cafetière napolitaine ou que pour une French Press. Avec une mouture trop fine, vous risqueriez d’avoir du marc de café au fond de votre tasse, ou tout au moins une boisson trop amère. Avec une mouture trop grossière, l’écoulement du café srait trop rapide et vous obtiendriez une mauvaise tisane.

Comme toujours, je vous recommande de prendre du café en grain, et surtout de choisir un mélange robusta /​arabica avec torréfaction à l’italienne. C’est bien sûr une question de goût, mais avec une torréfaction trop claire, le café obtenu sera insipide.

Pour moudre votre café juste avant de le préparer, il est nécessaire d’avoir un moulin. Bialetti en commercialise mais ils semblent peu robustes, il vaudra mieux choisir dans les marques ayant un vrai savoir faire dans ce domaine (Peugeot, Hario, Commandante…).

Utilisez une eau filtrée ou une eau de source, qui donneront un meilleur résultat dans la tasse que l’eau du robinet. Investir dans une carafe filtrante n’est pas une mauvaise idée, bien au contraire. Vous vous affranchissez des bouteilles et vous faites un geste pour la planète, tout en ayant une eau de qualité à un prix défiant toute concurrence.

Tout d’abord, remplissez le réservoir jusqu’en dessous de la soupape de sécurité. Si vous en mettez davantage, votre café sera noyé.

Ensuite, déposez sans le tasser le café fraîchement moulu dans le filtre, jusqu’à le remplir et à obtenir un léger surplus au dessus du filtre, que vous viendrez poser sur le réservoir.

Vissez la partie haute de la cafetière au réservoir, mettez à chauffer à feu doux. Inutile de précipiter la chauffe, vous obtiendrez un café plus amer – exactement comme si vous aviez mis trop de café en le tassant dans le filtre. À l’inverse, avec une percolation lente vous obtiendrez un breuvage riche et savoureux, aux arômes et au goût incomparables.

la Bialetti - fin d'extraction
la Bialetti – fin d’extraction

Quand votre cafetière se met à chanter, il est temps d’arrêter le gaz, la plaque électrique ou à induction… pour la petite histoire, en hiver, c’est sur la fonte de ma cuisinière à bois que je prépare mon café.

Il ne reste plus qu’à vous servir une tasse de café… et à le déguster.

Mais pour obtenir à chaque utilisation, un excellent café, il ne faut surtout pas oublier…

L’entretien de la Bialetti

Tout d’abord, on ne le répètera jamais assez, il ne faut jamais passer une Moka Express au lave vaisselle, tout simplement parce que l’aluminium ne supporte pas les détergents.

Lavez-​la à l’eau chaude après chaque utilisation, évitez autant que possible les liquides vaisselle et autres savons.

Si vous avez des taches de calcaire au fond du réservoir (de petites taches blanches), remplissez le réservoir d’eau additionnée d’un demi verre de vinaigre blanc. Faites bouillir, laisser refroidir, agir, rincez et séchez. S’il reste des traces, recommencez l’opération.

Vous pouvez pour ce détartrage remplacer le vinaigre par deux à trois cuillères à soupe de bicarbonate de soude.

Si l’intérieur de la verseuse présente des taches de café, ou ne revient pas propre après un temps d’usage, faites bouillir dans la cafetière assemblé (mais sans café) de l’eau additionnée de citron, puis rincez abondamment avant de sécher. Cette opération a l’avantage de réduire les dépôts calcaires tout autant que la solution précédente.

Si votre cafetière dégage une odeur de renfermé, lavez-​la à l’eau savonneuse et laissez-​la sécher. Laissez un morceau de sucre dans votre cafetière entre deux utilisations, ou servez-​vous en plus souvent…

Une fois par mois, détartrez votre cafetière en la remplissant d’eau et de vinaigre ménager, avant de bien la rincer (en fonction de votre usage – si vous utilisez votre Bialetti deux fois par an, détartrez la une fois tous les cinq ou dix ans).

Vous avez peut-​être remarqué un joint en dessous de la verseuse. S’il est usé ou poreux, si vous avez des fuites d’eau lors de la chauffe, changez-​le. L’opération est aisée, il suffit de démonter la verseuse et de remplacer le joint avant de tout remonter. Attention ! Avant de tout démonter, vérifiez que vous avez le bon modèle de joint (marque, modèle, taille…) pour votre cafetière !

Les erreurs à ne pas commettre

Je vous ai déjà mentionné les erreurs qui suivent dans les paragraphes précédents, mais répéter n’est jamais inutile.

La première erreur concerne l’entretien : il ne faut surtout pas passer une macchinetta au lave vaisselle – exception faite des modèles en acier (ceux prévus pour l’induction).

Tasser trop le café dans le filtre est aussi une erreur : l’eau va passer plus lentement, et votre café sera amer.

De même, contrairement à ce qu’on lit souvent, il ne faut ni verser l’eau déjà chaude dans le réservoir, ni faire chauffer à feu vif. C’est la chauffe lente de l’eau qui va pré-​infuser la mouture et lui donner toute sa saveur.

Enfin, prenez soin de votre Bialetti, n’oubliez pas son entretien, vous aurez ainsi en permanence une cafetière prête à servir dans des conditions optimales.

Les déclinaisons de la Bialetti

Renato Bialetti avait gardé un seul produit, la Moka Express. Aujourd’hui, si cette cafetière reste le fer de lance de l’entreprise, vous trouverez aussi une French Press dans leur catalogue, perdue dans les déclinaisons de la moka d’origine et à côté des produits dérivés – tasses, pichets, mousseurs à lait, moulins…

Déclinaisons qui affectent les couleurs (noire, rouge, bleue, rose, verte ou au couleurs du drapeau italien – vert, blanc, rouge), les formes (certaines sont plus arrondies, voire totalement rondes), la contenance (de 1 à 10 tasses selon les modèles), la matière (certaines sont en acier inoxydable – celles qui sont prévues pour l’induction – même si la plupart sont toujours en aluminium) ou les fonctionnalités (une permet de préparer un café plus proche de l’espresso, une seconde est réservée aux amateurs de cappuccino, la troisième est électrique), mais qui jamais n’altèrent la qualité de votre café.

Les défauts de la Bialetti

Après des années à utiliser mes macchinette (le pluriel de macchinetta, en italien), je ne leur en ai pas trouvé beaucoup.

Certains lui reprocheront d’être en aluminium, une matière qui n’est pas forcément adaptée au contact alimentaire. C’est vrai. Mais relativisons : d’une part, le plus grand risque est lié à la cuisson d’aliments acides comme les tomates. D’autre part les quantités absorbées sont extrêmement faibles. Enfin il y a tellement de polluants et de produits plus toxiques dans notre quotidien, mais dont personne ne veut parler, que faire un procès à l’aluminium tient de la farce.

Le principal défaut des Bialetti serait plutôt esthétique : les modèles de couleur ont tendance à s’écailler et ne présentent plus, après quelques années, aussi bien que les modèles bruts.

Quant à moi, j’ai constaté un petit défaut sur la Venus : l’eau ne passe jamais complètement, il en reste toujours une demi tasse (italienne) dans le réservoir. J’ai tout tenté : rester en-​dessous de la valve de sécurité, au même niveau, légèrement au-​dessus, chauffer un peu plus longtemps, à feu plus vif… rien n’y fait.

L’accessoire indispensable (ou presque)

Qui n’a jamais versé un peu de café hors du filtre en le remplissant ? Il faut nettoyer, et c’est du gaspillage.

Le pot à café avec support pour le filtre de la Bialetti pallie ce problème. Ce pot en verre comprend un emplacement pour poser le filtre et le remplir avec la cuillère fournie. Le porte-​filtre évite de perdre du café : une fois le filtre rempli, vous replacez le couvercle, l’excédent de café retombe dans le pot et le couvercle hermétique permet de conserver au café moulu sa fraîcheur un peu plus longtemps.

Pot à café Bialetti
Pot à café Bialetti

La Bialetti – source d’inspiration

Gabrielle Chanel (dite Coco Chanel) disait : « Pour moi, la copie, c’est le succès. Il n’y a pas de succès sans copie et sans imitation. » Mais Coco, si elle a souvent été copiée, n’a jamais été égalée. On pourrait en dire autant de la Moka Express. La macchinetta a été copiée, avec plus ou moins de succès, mais pour obtenir un café parfait, équilibré, le design ne suffit pas.

La quantité d’eau et de café sont deux points essentiels. Trop de café, ou pas assez, trop d’eau, ou trop peu, et votre café sera soit trop amer, soit trop clair et sans saveur. Si certaines marques telles que Alessi, Cristel ou Bodum ont su adapter la Moka Express et en garder l’esprit, sans pour autant la copier, la plupart des imitateurs n’ont pas eu le souci du détail et leurs cafetières ne sont pas exemptes de défauts majeurs.

J’en ai tenté quelques unes, mais on ne m’y reprendra pas : pour une cafetière moka, je ne prendrai jamais qu’une Bialetti. J’en ai d’ailleurs deux : une Bialetti Venus 6 tasses, en inox, l’une des rares prévues pour l’induction, et une Moka Express 3 tasses. J’ai même une cafetière à piston de la marque, mais c’est une autre histoire, je vous en reparlerai dans un article dédiée à la French Press.

Les Bialetti facts

  1. Alfonso Bialetti a acquis ses compétences en travaillant une dizaine d’années en France, dans l’industrie de l’aluminium, avant de retourner à Crusinallo et d’y fonder son entreprise en 1919.
  2. La cafetière moka Express est identique à celle créée au début du siècle dernier. 90 ans et pas une ride !
  3. Lorsque l’omino con i baffi parlait, à la télévision dans les années 50, sa bouche prenait souvent la forme des lettres des mots qu’il prononçait : il semble que ce choix a été dicté par une intention pédagogique, pour habituer les téléspectateurs à l’alphabet, à une époque où le taux d’analphabétisme était très élevé.
  4. En 1996 Bialetti a fait son entrée au Guiness Book of World Record avec une Moka Express pouvant préparer 100 cafés.
  5. En 2010, à l’Exposition Universelle de Shangaï, la Bialetti a été présentée comme l’une des 10 inventions italiennes qui ont changé le monde.
  6. Alberto Alessi, Président de la société Alessi, qui produit de magnifiques cafetières moka et une non moins magnifique cafetière napolitaine (produisit… elle n’est plus vendue), est le petit-​fils par sa mère d’Alfonso Bialetti.
  7. La Bialetti Moka Express fait partie des 100 objets de la collection permanente du design italien au Museum of Modern Art de New York.
  8. Il existe des Moka Express de 1 à 18 tasses

La Bialetti et vous

Je vous ai chanté les louanges de la macchinetta, mais vous, allez-​vous tomber amoureux de cette cafetière mythique ?

Il est vrai qu’elle a de nombreux avantages et peu d’inconvénients – ceci-​dit, la version programmable via wifi n’est pas prête de sortir… avis aux amateurs de café qui on le doigt collé à l’écran de leur iPhone 😉

Et puis, tout le monde n’aime pas le café noir, fort et chaud. Le meilleur café, c’est encore pour longtemps celui que vous aimez. Mais même si vous craquez pour un cold-​brew très clair, essayez… vous pourriez être conquis !

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