Un ristretto sinon rien !

3 ou 4 centilitres de pur bonheur… un ristretto, un vrai, servi fumant avec sa crema généreuse son verre d'eau fraîche. Vous en rêvez ?


Cet article prend 12 minutes à lire et comporte 2860 mots.

L’italien aime le café. Ça fait cliché, mais tous les italiens que je connais aiment le café. Surtout le ristretto.

Moi aussi j’aime le café. Et je l’aime sous toutes ses formes, ou presque… parce qu’un nescafé, ça reste un nescafé, ce n’est pas vraiment un café. Quoique. Glacé (mais sans sucre), en été, avec 35°C à l’ombre, à défaut, pourquoi pas.

Mais rien ne remplacera jamais un ristretto fumant, crémeux, accompagné d’un petit verre d’eau fraîche. Pas un dé à coudre, ça c’est pour le ristretto, mais pas le format mug non plus.

Mais où trouver un vrai ristretto ? À moins d’aller dans un bar, un restaurant ou dans tout autre espace ayant une cafetière à espresso et un barista un tant soit peu expérimenté, vous resterez sur votre faim. Non, sur votre soif. Enfin, sur votre envie surtout.

À moins que vous n’ayez une cafetière à espresso et un moulin à café chez vous.

Pas la cafetière de base avec des filtres pressurisés, une vraie – pourquoi pas manuelle, il en existe d’excellentes, les marques Kamira, Flair et Rok proposent des modèles entre 90 et 310 €.

Pas une Nespresso non plus, qui vous préparera un café « alla ristretto », assez épais, plutôt crémeux, relativement savoureux, mais sans âme.

Pas un broyeur à café basique, qui ne mérite même pas le nom de moulin tant il vous sort une mouture grossière et approximative, tout juste bonne pour une cafetière à piston, un moulin à café digne de ce nom, capable de sortir une mouture très fine et régulière – qu’il soit manuel ou électrique n’a par contre pas la moindre importance, si ce n’est pour vos bras.

La Kamira, pour un ristretto inratable

Pour la cafetière, j’ai trouvé une spéciale ristretto (ristretti même puisqu’elle peut en sortir deux en une seule passe), la Kamira. Légère, économique, ultra-​compacte, solide, universelle, efficace… que des qualités pour une cafetière, qui à moins de 100 €, vous accompagnera pendant des années si ce n’est toute une vie.

Et ne me dites pas « à 75 ans, j’espère bien ! » parce que d’une vous pouvez devenir centenaire, et de deux vous pourrez la léguer à vos enfants ou à vos petits-​enfants à qui elle fera toute une vie – même si vous battez le record de Jeanne Calment – à condition bien sûr d’en prendre soin (de la cafetière).

Pour reprendre mon introduction, vous en rêvez. Ou pour reprendre un slogan célèbre : vous en avez rêvé… Kamira l’a fait.

Kamira, c’est une marque monoproduit. Elle fabrique une cafetière toute en acier inoxydable (à l’exception de quelques pièces, comme les manches des filtres par exemple, mais c’est préférable), que vous pourrez utiliser sur n’importe quelle source de chaleur : gaz, électrique, vitrocéramique ou induction.

Pour reprendre leur termes, la Kamira réalise un café « crémeux comme au bar, fait sur la cuisinière à la maison, avec une machine expresso au design unique sans dosettes ni capsules ».

J’ai acheté la mienne sur Amazon, malheureusement, elle n’est plus en vente ni sur leur site en France, ni sur leur site en Italie. Ni sur Cdiscount. Mais vous pouvez toujours la commander sur le site du fabriquant. Ou sur le site de Zézette et Marcel, artisans torréfacteurs de leur état. Vous en profiterez peut-​être pour leur commander quelques cafés d’exception, d’autant qu’ils proposent une mouture adaptée à la Kamira.

Mais pourquoi parler d’une cafetière à la production et à la distribution confidentielle, même pas électrique, sans la moindre électronique, qui de plus ne fait que des ristretti ?

Tout simplement parce que ce qu’elle fait, elle le fait bien. Et même très bien. Même si vous ne pourrez effectivement pas la programmer via le wifi, ni suivre sur une appli votre consommation quotidienne de son nectar.

Après des années à utiliser des machines à espresso familiales, semi-​pro ou même pro, je suis revenu pour ma part à des machines manuelles, et dans cet esprit-​là, la Kamira a vraiment sa place, à côté de ma Bialetti, de ma cafetière napolitaine et de mes cafetières à piston – seule infidélité aux cafetières italiennes.

Entretien réduit (un détartrage à l’occasion), une fiabilité hors norme et aucun risque de panne. Je dors sur mes deux oreilles, je sais que demain, quoi qu’il advienne, j’aurai mon café. Si tant est que je me réveille 😉 Et si je ne me réveille pas, il y a chez moi de quoi faire du café pour une veillée…

Allez, trêve d’humour noir, voyons plutôt…

Les alternatives à la Kamira

C’est pas que je ne l’aime pas, mais si on ne la trouve quasiment plus, on risque bien un jour de ne plus la trouver du tout.

Heureusement rien ni personne n’est irremplaçable en ce bas monde. Par contre, il y a un prix à payer. Et ce prix, c’est malheureusement le prix, qui n’est pas vraiment le même. On passe de moins de 100 € pour la Kamira à plus ou moins 160 € en premier prix. Deux marques sont présentes sur le marché, je les ai citées plus haut dans cet article : Flair et Rok.

L’avantage indéniable sur la Kamira, c’est qu’elles ne sont pas dédiées au ristretto ; elles permettent également de préparer de délicieux espressi.

L’inconvénient – au delà du prix et du fait qu’on ne peut préparer qu’une tasse de café à la fois – c’est que ce ne sont pas des tout en un : il faut chauffer l’eau, et mettre à température le bloc d’extraction sous peine d’avoir un café froid. Et investir dans un tasseur de qualité, les modèles d’entrée de gamme étant livrées avec un ersatz de tasseur, de très mauvaise facture.

Les machines espresso Flair

Le design est sympathique, la qualité de fabrication est bien là, la simplicité d’utilisation… il n’y a rien à dire, si ce n’est que le tasseur en polycarbonate de l’entrée de gamme n’est pas à la hauteur… et qu’il n’y a pas de possibilité de le remplacer vu le diamètre des filtres (40mm).

Flair Espresso
Flair Espresso

Portables, livrées dans une mallette, ces machines permettent néanmoins de préparer rapidement un ristretto : il suffit de s’arrêter au moment opportun.

La machine à espresso Rok

Côté design, la Rok Espresso GC me fait penser à un tire bouchon géant… oops 🙁

C’est un modèle éprouvé, de bonne facture, dont le prix est à mi-​chemin entre l’entrée de gamme et le haut de gamme de chez Flair.

Rok Espresso GC
Rok Espresso GC

Mais avec un tasseur digne de ce nom, on grimpe au delà du modèle supérieur de chez Flair (livré avec un tasseur en inox), sans pour autant avoir une machine aussi performante.

Et l’inconvénient majeur, ce que votre espresso ou votre ristretto ne seront jamais brûlants. Enfin, inconvénient pour les uns et avantage pour les autres.

Le moulin à café pour un ristretto parfait

Eh oui, il faut investir dans un moulin à café pour réussir un ristretto – parce que sans moulin, point de salut – si ce n’est chez Zézette et Marcel 😉

Mon moulin à café, c’est LE Peugeot. Enfin, un Peugeot, parce qu’ils n’ont pas un modèle unique, et que leur modèle emblématique est décliné en plusieurs finitions. Pour ma part, c’est le modèle Nostalgie, couleur chocolat (noir, très noir), que j’ai choisi. Si vous le préférez en finition Antique, ou Brésil, vous les trouverez également sur Amazon (et ailleurs aussi), mais il faudra débourser un peu plus.

C’est un moulin solide (le mécanisme est garanti à vie), efficace, à la mouture régulière. Mais pour être honnête, quand on le règle pour un espresso ou un ristretto, il faut en vouloir. Parce que la manivelle ne tourne pas toute seule, et pas sans effort. Mais le résultat est là, après [quelques] [plusieurs] beaucoup de tours de manivelle. Pour un retour complet sur expérience, vous pouvez lire mon test sur ce blog.

Il y a d’autres modèles sur le marché, chez Peugeot et ailleurs, d’excellente qualité.

Toujours chez Peugeot, il y a le Kronos, un modèle design tout inox et résine. J’ai eu l’occasion de le tenir en main, dans une boutique spécialisée. Honnêtement, je ne suis pas fan de la finition en résine, mais il n’y a rien à redire : le moulin est parfait – mais voila, il ne me plait pas vraiment 😐

J’ai découvert entre temps la marque italienne Tre Spade (trois épées) qui fabrique de très bons moulins, à prix raisonnable et garantis 25 ans… à peine moins chers que les Peugeot, mais plus difficiles à trouver en France, si ce n’est chez Tom Press.

Et puis il y a la Rolls des moulins manuel, le C40 MK3 Nitro Blade de chez Commandante, de qualité allemande. Il ne demande pas moins de force que les moulins Peugeot, mais il est plus facile à régler grâce à l’écrou sur sa meule et aux indications portées sur le pourtour du mécanisme.

Côté finitions, il n’y a rien à redire, mais il vous faudra débourser plus de 250 € pour vous en procurer un exemplaire. Ceci-​dit, quand on connait le prix d’un bon moulin électrique… et entre nous, il faudra toujours un minimum d’effort pour tourner la manivelle.

Voilà, vous êtes équipés – ou vous devriez l’être – pour vous mettre l’eau à la bouche…

Mes conseils pour un ristretto perfetto

Les amateurs de café vous le diront : le temps de préparation d’une tasse de café n’est pas une corvée, elle participe d’un rituel, exactement comme pour le thé au Japon. Choisir son café, sentir ses arômes, le broyer, remplir le filtre… tout pour se mettre en condition et apprécier le breuvage ainsi obtenu.

Voici donc les points à prendre en compte…

Le choix du café

Vous voulez un ristretto, un café typiquement italien. Il vous faut donc un café en grain, un mélange typiquement italien de robusta et d’arabica. Oubliez les torréfactions blondes ou robe de moine, une torréfaction italienne, plus longue, s’impose. Elle confère au café des notes plus amères, et un arrière goût plus intense dont les notes les plus subtiles vont s’exprimer pleinement lors de l’extraction du ristretto.

La mouture du café

Le premier conseil, c’est de moudre votre café très fin, comme pour une cafetière espresso traditionnelle. N’hésitez pas à forcer sur le mécanisme chez Peugeot, régler très fin demande de forcer un peu pour arriver au bon cran.

En aparté, quand j’ai reçu ma Kamira, j’attendais le moulin à café Peugeot commandé le lendemain chez Amazon.

Mais je n’en pouvais plus d’attendre, j’ai donc pris un paquet de café moulu Lavazza, le Espresso Barista Perfetto, au supermarché du coin (dans les campagnes, les torréfacteurs se font rares, et faire 35km pour un paquet de café… bof bof bof). Le résultat ? J’ai eu un ristretto « parfait », comme je n’en avais pas bu depuis des années. Le Lavazza Espresso Barista Perfetto a en effet une mouture fine, suffisamment fine pour être utilisée avec des filtres non pressurisés.

C’est le seul café moulu vendu en grande surface qui soit à ma connaissance adapté à cette utilisation – d’ailleurs ne l’utilisez pas avec une Bialetti ou même avec une machine à filtres pressurisés, ce serait un fiasco !

Ce n’est qu’après plusieurs essais que j’ai réussi à faire mieux avec mon moulin et un café en grains – il faut trouver la bonne mouture, le bon café, et croyez moi, c’est une gageure que ne relève que l’amateur averti.

L’eau du café

L’eau est, avec le café, l’ingrédient de base de votre ristretto. Et si vous avez une eau trop calcaire, ou trop acide, ou trop alcaline, vous n’obtiendrez plus vraiment un ristretto, mais une boisson chaude plutôt infecte qui ne ravira certainement pas votre palais.

La plupart des baristi professionnels ou amateurs vous conseillerons d’utiliser une carafe filtrante, ou, à défaut, de prendre une eau de source au pH neutre et avec peu de résidu sec, comme la Volvic.

C’est l’eau que j’utilise pour mon café (et mes pizzas) – je ne bois pas suffisamment de café et je ne fais pas suffisamment de pizzas pour me ruiner en utilisant une eau de source, si chère soit-​elle.

La machine à espresso à levier

À Naples, les baristi utilisent des machines à café à levier pour préparer espressi et ristretti (le i’, c’est le pluriel du o’ italien – comme dans spaghetti, vu qu’on ne mange pas un spaghetto mais des spaghetti), parce que le levier leur permet de mieux doser, de donner la bonne pression, d’arrêter quand ils le souhaitent l’extraction du café. Mais heureusement, il n’y a pas que la machine à levier pour préparer un ristretto parfait.

Petite digression : on entend souvent parler d’expresso ou de machine à expresso. Ce n’est pas expresso mais espresso. Cette erreur de langage assez fréquente vient sans doute d’une confusion entre espresso, qui en italien veut dire rapide, et qui a donné son nom à la méthode d’extraction la plus rapide qui soit à l’époque (il y a plus d’un siècle), et la cafetière italienne mythique qu’est la Moka Express. À moins qu’il n’y ait eu confusion avec le café express ou café minute que permettaient les machines à café professionnelles avant la Gigante de Luigi Bezzera, qui le premier associe le mot espresso à sa machine à café à la Foire Internationale de Milan, en 1906.

La percolation avec une Kamira

Vous avez votre café fraîchement moulu, l’eau, la cafetière, la tasse… remontez la manette vers le haut, remplissez le réservoir d’eau jusqu’à la ligne de démarcation, déposez sans le tasser votre café moulu dans le porte filtre (qui fait aussi office de filtre), placez le porte filtre, baissez la manette pour laisser l’eau descendre dans le corps de chauffe, posez votre machine sur une source de chaleur vive avec la tasse positionnée sous le porte filtre. Ce n’est pas une moka express, vous ne risquez pas de « brûler » la mouture.

Après quelques secondes (de 45 secondes à environ 2 minutes en fait), vous allez assister à une joli spectacle : la crema va couler dans votre tasse jusqu’à la remplir. Laissez la tasse se remplir au deux tiers avant de retirer de la source de chaleur (en éteignant le gaz ou en coupant l’alimentation pour une plaque à induction, en sortant de sur la plaque pour une électrique ou pour une vitrocéramique qui continuent à dispenser leur chaleur longtemps après avoir été arrêtées).

La crema va continuer à couler pendant quelques secondes encore. Si vous regardez au fond de votre tasse, vous avez votre ristretto, avec une mousse épaisse et généreuse au-​dessus.

La percolation avec une Flair ou une rok

En tout premier lieu, faites bouillir votre eau. Vous en aurez besoin pour mettre à température le bloc porte-​filtre et la tasse.

Remplissez le bloc porte-​filtre d’eau chaude (pour la flair) ou trempez-​le dans un récipient adapté (pour la Rok). Laissez-​le, le temps de moudre le café et d’en mettre la quantité voulue dans le filtre et de le tasser.

Essuyez votre porte-​filtre, insérez le filtre dans le porte-​filtre et le porte-​filtre sur son support.

Exercez une première pression pour la pré-​infusion, puis exercez une pression constante sur le ou les bras de votre machine pour extraire le café.

Arrêtez-​vous quand vous avez en tasse la quantité voulue.

La dégustation du café ristretto

Traditionnellement, dans les bars de Naples, le caffè ristretto se boit d’un trait, au comptoir. C’est d’ailleurs aux comptoirs des cafés napolitains que l’on retrouve une autre grande tradition du café italien : il caffè sospeso. Si vous n’avez pas de comptoir, ce n’est pas grave, vous trouverez votre propre tradition.

En italie, il caffè corto (l’autre nom du ristretto) est invariablement servi avec un verre d’eau fraîche, parfois pétillante, dès que le barista pose la tasse sous la machine à levier. L’erreur à ne pas commettre, c’est de boire l’eau après avoir dégusté le café.

L’eau prépare votre palais, elle le rafraîchit et le « nettoie ». Si vous buvez après avoir dégusté votre ristretto, vous perdez toutes les notes d’arrière bouche, toute la saveur du café n’aura pas le temps de s’exprimer et de ravir vos papilles.

Alors, ristretto ou…

… ristretto. Tout est dans le titre : un ristretto, sinon rien !

Il n’y a rien de meilleur qu’un caffè corto, tout au moins pour moi, et même si ce n’est pas mon café de tous les jours.

Mais quelques gouttes de ce nectar, de temps à autre… et je me retrouve comme par magie à Naples, au comptoir d’un café, à avaler mon breuvage d’un trait en écoutant la rue, en discutant de tout et de rien avec le barista, dans l’insouciance générale.

Et çà, je n’y renoncerai pour rien au monde.

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